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Les risques liés aux nanomatériaux

Source : Fiche Ministère du travail -
Mis à jour le : 20/12/2021

L’impact de l’activité professionnelle sur la santé et la sécurité des travailleurs est au cœur des préoccupations des pouvoirs publics et la question de l’exposition aux nanomatériaux n’échappe pas à cette règle Face aux dangers potentiels qu’ils représentent, le ministère chargé du Travail a entamé une réflexion de fond concernant les risques liés à l’exposition potentielle des travailleurs aux particules manufacturées de taille nanométrique.

Bien que de nombreuses études soient en cours de réalisation, les premiers éléments de réponse apportent un éclairage sur les dangers potentiels inhérents à ces substances chimiques.

Le préfixe « nano » vient du grec et signifie très petit. Les scientifiques l’utilisent comme préfixe dans les unités de mesure pour exprimer le milliardième de mètre. Il est d’usage de l’écrire en abrégé « nm ». Les particules de taille nanométrique peuvent être d’origine naturelle (pollens, poussières volcaniques…) ou d’origine anthropique.

Dans ce cas, elles sont produites par l’homme soit de manière non intentionnelle dans les activités de transports (fumées diesel), industrielles (fumées de soudure, ponçage…) soit volontairement en vue d’exploiter leurs propriétés spécifiques (noir de carbone, fullerènes, nanotubes de carbone, aluminium, argent, cérium, dioxyde de titane, silicium, zinc, zirconium, céramiques, polymères, silicate…). Les particules manufacturées de taille nanométrique possédant au moins une de leur dimension inférieure à 100 nanomètres et qui relèvent du domaine des nanotechnologies sont appelées nanomatériaux.

Il n’existe pas encore de définition des nanotechnologies, nanomatériaux, nanoparticules et nano-objets. Le document prénormatif TS 287687 sur les nanoparticules d’août 2008 de l’ISO TC 229 « nanotechnologies » présente néanmoins les définitions qui font consensus parmi un certain nombre d’experts mondiaux. On distinguera cependant les nanosystèmes (puces RFID, microprocesseurs d’ordinateurs) et les nano-objets qui sont des produits structurés à une échelle nanométrique ou nanoproduits (tels que les nanoparticules isolées et/ou agrégées/agglomérées, les revêtements minces ou épais et les revêtements massifs). sont obtenus selon 2 principaux procédés de fabrication :

  • Procédé ascendant : Les nanoparticules sont construites par assemblage atome par atome, molécule par molécule en phase gazeuse (ex :dioxyde de titane), par déposition de vapeurs (ex : nanotubes de carbone) ;
  • Procédé descendant : Les nanoparticules sont fabriquées à partir d’une grande structure macrométrique qui est progressivement réduite pour atteindre des dimensions nanométriques notamment dans des procédés mécaniques de broyage (ex : cristaux).

Une grande partie de l’intérêt pour les nano-objets et particules nanostructurées vient des propriétés intrinsèques à leurs dimensions et à leur forme : lorsque la taille des particules décroît jusqu’à atteindre des dimensions nanométriques, les propriétés et le comportement de ces dernières évoluent. Ainsi, par exemple, des matériaux isolants, opaques, diamagnétiques, inertes peuvent devenir respectivement conducteurs, transparents, magnétiques, réactifs ou encore changer de couleur, devenir solubles, former des structures ordonnées.

Par exemple : oxyde de cérium (catalyseur en industrie automobile), fumées de silice (dans le béton améliorant sa fluidité), oxyde de titane (protecteur anti-UV dans les crèmes solaires), argent (agent antibactérien dans les revêtements électroménagers), noir de carbone ( encres d’imprimantes), nanotubes de carbone et fullerènes (fabrication des raquettes de tennis).

Quels sont les domaines d’activités concernés par les nanomatériaux ?

Les nanotechnologies recouvrent un grand nombre de domaines technologiques exploitant les propriétés de particules manufacturées de tailles nanométriques, notamment les secteurs de l’électronique, de l'automobile, de l’aéronautique et de l’industrie spatiale, de la défense, des communications, de la chimie, des biotechnologies, de l’industrie cosmétique et pharmaceutique, des plastiques, des matériaux de construction, de la métallurgie, du textile, de l'énergie

Le marché mondial lié au domaine des nanotechnologies représentait déjà 45,5 milliards de dollars en 2004. Il est estimé à 700 milliards de dollars en 2008 selon le rapport du Conseil Général des Mines.

Ces nouvelles technologies ont déjà investi la vie quotidienne : téléphones portables, micro-ordinateurs, lunettes, vêtements, articles de sport, de construction, emballages alimentaires antibactériens, compléments alimentaires, additifs alimentaires, produits cosmétiques variés.

Parmi les applications dans le domaine de la santé, on relèvera particulièrement la production de nouveaux médicaments et l’imagerie médicale.

Quels sont les dangers associés à leur production et/ou à leur utilisation ?

Les propriétés physico-chimiques nouvelles intrinsèques à ces nanomatériaux, qui représentent un véritable enjeu technologique, laissent supposer, d’ores et déjà, une forte augmentation des expositions professionnelles à ces substances alors que les dangers associés sont encore méconnus. En effet, ces propriétés différentes de celles des particules de même composition chimique mais de plus grande taille pourraient entraîner des effets toxicologiques sur l’homme.

Les premières études toxicologiques réalisées par différents laboratoires internationaux montrent, que les nanomatériaux, selon leur nature (taille, composition chimique, pureté, réactivité de surface, solubilité, forme et capacité d’agrégation), sont susceptibles d’induire des effets spécifiques nocifs par contact, inhalation et/ou ingestion. En milieu de travail, la voie d’exposition principale est l’inhalation. Le corpus de ces études reste insuffisant à ce jour pour conclure sur l’innocuité ou les dangers aigus ou chroniques spécifiques à ces substances, il convient donc d’être très vigilant.

Comment évaluer l’exposition des travailleurs ?

Il n’existe pas actuellement de méthodes efficaces pour mesurer les particules de taille nanométrique. Les concentrations en masse ne sont pas un bon indicateur de l’exposition (non prise en compte du nombre et de la surface) et le comptage réel des particules de taille nanométrique est rendu difficile en raison des phénomènes d’agglomération ou d’agrégat secondaires.

L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a publié sur son site internet un ensemble de documents à destination des utilisateurs en vue de réaliser cette évaluation :

  • Les nanomatériaux ;
  • Caractériser et prévenir les risques liés aux nanoparticules
  • Projet : EXposition Professionnelle aux Aérosols Ultra-fins présents dans l'atmosphère des lieux de travail (EXPAU)
  • Les nanotubes de carbone : quels risques, quelle prévention ?
  • Filtration des nanoparticules : un problème de taille ?
  • Nanoparticules : un enjeu pour la prévention. Actes du symposium INRS-CARSAT Centre. 30e Congrès national de médecine et santé au travail (Tours, juin 2008)
  • Production et utilisation industrielle des particules nanostructurées
  • Particules ultra-fines et santé au travail - Caractéristiques et effets potentiels sur la santé
  • Thématique Nanoparticules : Métrologie et caractérisation des expositions professionnelles.

Comme pour toute évaluation du risque, les tâches de fabrication, de chargement, d’emballage, de manutention et de nettoyage doivent être prises en compte dans l’évaluation des risques.

Quels sont les moyens de prévention et de protection à mettre en œuvre ?

La maîtrise du risque passe par la maîtrise de l’exposition, c’est pourquoi l’employeur devra mettre en adéquation les mesures de protection techniques et organisationnelles les plus efficaces et les plus adaptées à chacune des situations avérées ou potentielles d’exposition à des particules de taille nanométrique, identifiées dans l’évaluation spécifique des risques.

Ces mesures de protection doivent permettre de limiter, voire supprimer les risques de contacts avec l’opérateur notamment par des mesures de confinement du procédé.

Concernant les équipements de protection collective (EPC) et individuelle (EPI) mis en œuvre, l’employeur doit s’assurer que ces derniers sont adaptés à la rétention des particules de taille nanométrique.

En outre, les équipements de protection respiratoire doivent être choisis de telle sorte que les particules ne pénètrent pas au travers du média et/ou aux jointures d’étanchéité du visage.

Afin de limiter le risque d’une exposition directe à des nanoparticules libres, dans le cadre des activités de stockage et de transport, il peut être envisagé de conditionner ces dernières au sein d’une matrice liquide ou solide, dans la mesure où cela est techniquement réalisable et que cette solution n’entraîne pas de risques d’exposition nouveaux et plus importants pour les travailleurs (nature potentiellement toxique de la matrice…).

Il est important de préciser que les nano-objets peuvent se présenter sous la forme de nanoparticules primaires, d'agrégats de nanoparticules (difficilement sécables), d'agglomérats de nanoparticules et /ou d'agrégats (ex : noir de carbone, silice pyrogénée ou précipitée). Ces agrégats et / ou agglomérats peuvent être soit très compacts (sphériques) ou particulièrement ramifiés, présentant alors une réactivité très proche des particules de taille nanométrique primaires les constituant. Ces différentes morphologies sont susceptibles d’évoluer en fonction des procédés (de la fabrication au traitement des déchets), du mode de stockage, de l’état de dégradation des matériels ou matrices intégrant des particules de taille nanométrique. Il faudra donc être attentif aux différentes configurations dans laquelle il est possible de trouver ces substances et de prendre en considération tout le cycle de vie des agglomérats au même titre que les nanoparticules primaires.

Quelles sont les actions des pouvoirs publics ?

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a été saisie à 3 reprises par ses trois autorités de tutelles, afin de rédiger un rapport concernant :

  • « Les nanomatériaux : effets sur la santé de l’homme et sur l’environnement » livré en juin 2006 ;
  • « les nanomatériaux et la sécurité au travail » livré en juillet 2008 ;
  • « Les risques liés aux nanomatériaux pour la population générale et dans l’environnement » prochainement livré.
  • Le ministère de la santé a saisi l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) par 3 fois afin de réaliser une évaluation du risque susceptible d’être attribué à l’utilisation des nanoparticules dans les produits de santé et notamment le dioxyde de titane (médicaments, cosmétiques). [Un rapport relatif aux nanoparticules de dioxyde de titane et d’oxyde de zinc dans les produits cosmétiques en termes de pénétration cutanée, de génotoxicité et de cancérogenèse a été adopté par la Commission de cosmétologie du 15 mars 2011 de l'AFSSAPS ;
  • En juin 2006, l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a été saisie afin d’évaluer les risques liés à l’introduction de nanoparticules dans les eaux de boisson et les aliments. Un premier rapport a été livré en mars 2008 concernant « Les nanoparticules manufacturées dans l’eau» ;
  • Un groupe de veille sur les impacts sanitaires liés aux nanotechnologies a été créé sous l’égide du Haut conseil en santé publique en juin 2008. Ce groupe a fait l’objet en juin 2008 d’une saisine relative à la toxicité potentielle des nanotubes de carbone pour des travailleurs potentiellement exposés. Un avis a été publié le 07 janvier 2009 ;
  • La direction générale du travail a sensibilisé ses services de contrôle sur les risques liés aux expositions professionnelles aux nanomatériaux par une instruction du 18 février 2008 ;
  • Les autorités françaises participent, par ailleurs, aux groupes de réflexion européens et internationaux (REACH, ONU, OCDE, ISO) afin de prendre en compte les risques spécifiques des nanomatériaux dans les règlements en vigueur et recommandations, et d’améliorer la connaissance relative à ces nouvelles substances (Communication de la commission au Parlement Européen, au Conseil et au Comité Economique et Social Européen : Aspects réglementaires des nanomatériaux)

La prévention des risques liés à la mise en œuvre des nanomatériaux est soumise à la réglementation du code du travail relative à la prévention du risque chimique. Ainsi, a minima, la réglementation relative à la prévention des risques liés aux agents chimiques dangereux (ACD : articles R. 4412-1 et suivants), s’applique. Si une substance, déjà classée pour ses effets CMR, et entrant à ce titre dans le champ d’application de l’article R. 4412-59 du code du travail, est produite sous la forme de particules de taille nanométrique, les règles spécifiques aux CMR s’appliquent de la même manière.

Ces règles, qui s’imposent à l’employeur, sont notamment fondées sur les principes généraux d’évaluation puis de suppression, de substitution et de réduction du risque au niveau le plus bas possible. Dans ce cadre, il appartient à l’employeur de procéder à une évaluation spécifique des risques prenant en compte la problématique de la taille des particules et de leurs propriétés spécifiques même si celle-ci peut-être rendue difficile par le manque de connaissance sur les dangers de ces substances.

Cette connaissance encore lacunaire de leurs dangers peut conduire à des interrogations sur leur caractère CMR potentiel alors que la substance de même composition chimique mais de plus grande taille ne l’est pas. Dans un tel contexte, la plus grande vigilance doit être observée. Ainsi, en cas de suspicion sur les effets CMR des nanomatériaux produits ou utilisés, il est préconisé aux entreprises d’adopter une démarche de précaution, en appliquant, volontairement, les mesures de gestion des risques les plus strictes prévues pour les substances CMR, notamment en excluant le recours à la notion de risque faible alors même que les quantités de nanomatériaux utilisés peuvent être limitées.

Institut national de recherche et de sécurité (INRS)

Les nanomatériaux ouvrent à la recherche et à l’industrie des perspectives nombreuses et variées. L'émergence de ces nouveaux matériaux et la prise en compte des particules ultra-fines émises lors de certains procédés industriels amènent à se poser la question des risques encourus lors de l'exposition professionnelle.

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES)

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